Interview de Denis Maugenest

Denis Maugenest, Jésuite : « Je refuse les certitudes et je continue à chercher la vérité »

23 Fév 2014 09h00

Jésuite, docteur en théologie, professeur de science politique, créateur d’institutions universitaires en Afrique, le père Denis Maugenest vient d’effecteur un séjour à Maurice. Invité par l’Institut Cardinal Jean Margéot, il a animé une série de conférences sur le vivre ensemble et divers aspects de la politique. À la veille de son départ, il a accepté, lors d’une rencontre, de répondre à nos questions.

Pour vous présenter, nous allons refaire ensemble votre itinéraire. Vous êtes entré dans les ordres religieux après avoir refusé une première fois…

Étant Européen, j’ai été formé, par nécessité, par la religion dominante, le christianisme. Je n’ai pas été très heureux de cette situation de monopole religieux et à la fin de mes études secondaires, que j’avais suivis dans un collège de jésuites parisien, j’ai décidé de ne pas entrer dans les ordres. Je suis allé étudier le droit, l’économie et la politique, puis suis entré à l’École nationale d’administration (ENA). Puis, au moment de la guerre d’Algérie, j’ai démissionné pour faire autre chose : entrer dans une vocation religieuse, rejoindre les jésuites et faire voeu de pauvreté, de chasteté et d’obéissance.

Quel âge aviez-vous à l’époque de votre retour chez les jésuites ?

25 ans. Pendant ma préparation à l’ENA, on m’a demandé de faire un exposé sur la doctrine sociale de l’église, dont j’ignorais tout. J’ai fait des recherches et la semaine suivante j’ai présenté la pensée sociale de l’église, que je venais de découvrir, une pensée peut être plus sage qu’on ne le pense et en tout cas très intéressante. C’est de cette expérience que date mon retour au sein de l’église.

C’est uniquement la découverte de la pensée sociale de l’église qui vous a incité à entrer dans les ordres ?

Il y a eu surtout le concile Vatican II décidé par Jean XXIII, qui après avoir travaillé avec les Serbes, les Turcs et les Français avait compris que le monde était un peu plus vaste que l’église et qu’il était plus que temps d’en ouvrir les fenêtres parce que ça puait à l’intérieur. C’était extraordinaire que ce pape, que l’on pensait classique, dise « ouvrons les fenêtres de l’église » et convoque un concile. Ce concile ouvert en 1962 n’aura aucun anathème, ce qui change par rapport aux précédents, et il déclare la liberté de conscience. C’est pour ça que je me sens à l’aise avec l’église nouvelle et je suis retourné en son sein. Et que je regrette qu’elle n’ait pas encore réalisé tout le programme de Vatican II. On en est même très, très loin. Je suis donc retourné chez les jésuites et j’ai demandé à faire ma formation en France profonde puisque je n’aimais pas le milieu parisien, dont je suis pourtant issu. Je suis allé à Reims où je me suis surtout occupé de gens qui avaient des difficultés avec le monde judiciaire et pénal, et j’ai ouvert un foyer pour les ex-prisonniers. Puis j’ai été rappelé à Paris pour m’occuper d’un centre culturel que j’ai transformé en faculté de sciences économiques et sociales de l’Institut catholique de Paris. J’ai fait ça pendant douze ans et j’avais de plus en plus d’étudiants africains et je me demandais pourquoi ils venaient faire des études de premier cycle à Paris, alors qu’ils avaient des universités dans leurs pays. Ils m’ont expliqué qu’ils le faisaient pour prendre de la distance de leur famille, qui peut être étouffante en Afrique, et surtout parce qu’il n’y avait pas, en Afrique à la fin des années 1970, beaucoup de liberté de penser. Il y avait des pères de la nation, leurs fils et leurs épouses et des partis uniques qu’il fallait suivre.

En vous écoutant parler, les termes franc-tireur, anarchiste nous viennent à l’esprit…

Vous pouvez ajouter rebelle, révolté. Je me détermine par les cinq A : autonomie, je suis pour l’autonomie complète de l’individu ; je suis ensuite anticonformiste, anarchiste, agnostique et approximatif. Approximatif car dans la recherche de la vérité je ne fais qu’approcher, si je peux, du centre que nous visons, de ce que nous rêvons, de ce que nous anticipons mais que nous ne sommes pas sûrs d’atteindre.

Revenons à l’Afrique…

Je sentais qu’il fallait mettre à la disposition des jeunes Africains des institutions universitaires où l’on pouvait penser librement. J’ai donc proposé à mes supérieurs de créer une institution universitaire en Afrique où l’on pouvait réfléchir librement sans avoir sur le dos les caciques nationaux et les politiciens locaux. Un jour, je me trouve à Rome et je fais cette suggestion à mon supérieur qui trouve que c’est une bonne idée et il me dit « allez y vous-même. » Je lui réponds qu’il vaut mieux que ce soit les jésuites d’Afrique qui le fassent, mais il insiste pour que ce soit moi. Et comme chez les jésuites on fait vœu d’obéissance…

C’est un des voeux que vous avez dû avoir mal à mettre en pratique…

Pas du tout. Qu’est-ce que l’obéissance sinon obéir fondamentalement à l’esprit de dieu, du créateur. Mon supérieur général des jésuites et moi sommes tous les deux tenus à cette obéissance et devons faire, comme dit la prière, la volonté de Dieu sur la terre comme au ciel. Si mon supérieur et moi sommes d’accord pour penser que c’est la volonté de dieu, il n’y a pas de problème à obéir.

À condition d’avoir un supérieur qui a la même vision de ce qu’il faut faire, ce qui n’est pas toujours évident, vous en conviendrez. Le supérieur voulant, par définition, faire appliquer sa vision, même si elle n’est pas juste…

En général, tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser, ce que m’avait déjà appris ma formation en politique. Mais ce n’était pas le cas de mon supérieur. Donc, j’ai obéi et me suis lancé dans le projet de créer une institution universitaire catholique en Afrique et six semaines après j’étais en Afrique.

Étiez-vous déjà allé sur le continent noir ?

J’étais allé au Sénégal en 1960, pour l’ouverture de l’université de Dakar, et cela m’a marqué. J’y suis donc retourné en 1985 pour commencer les démarches administratives, les négociations, la mise en place, rencontrer les intellectuels africains pour les intéresser au projet, trouver les sources de financement, etc. Je me suis installé à Yaoundé en 1989 et ce n’est qu’en 1991 que s’ouvrira l’université catholique d’Afrique. L’expérience de l’Afrique m’a considérablement ouvert les horizons. Je suis en tout cas acquis à une chose : il nous faut acquérir la conscience du monde.

Vouliez-vous aller en Afrique ?

Non, dans la mesure où je considère que la mission est là où l’on est, qu’on n’a pas besoin d’aller forcément la chercher au bout du monde. Mais cela étant, quand on vous demande de rendre un service, vous le faites. Mon service a été de faire que les Africains se tiennent debout, par eux-mêmes, sans avoir besoin des Occidentaux ou des autres. Au bout de treize ans, j’étais arrivé au terme de la mission, il était convenu que je me retire, d’autant qu’un petit différend s’était installé entre mon successeur et moi parce que j’avais fait quelques remarques sur son action.

Vous êtes donc rentré à Paris ?

Non. Moi je le voulais, mais pas mes supérieurs. Ils voulaient que je m’occupe d’une institution que les jésuites avaient depuis 40 ans à Abidjan, en Côte d’Ivoire : l’Institut africain de développement économique et social. J’ai accepté et je devais me rendre à Abidjan en septembre 2002, mais il y a eu le coup d’État qui a séparé le pays en deux. J’ai ouvert une petite revue intitulé Débats, courrier d’Afrique de l’Est, et à partir de là, on a transformé l’institut que je devais reformer en Centre de Recherche d’Action Pour la Paix lié à la situation dans le pays.

Effectuons un retour dans le temps. En 1978, vous avez publié un texte intitulé La foi chrétienne à l’épreuve du marxisme. Est-ce que le marxisme a été une des plus grandes menaces de la foi chrétienne ?

À l’époque de la publication de ce texte, le marxisme était très prégnant dans la société française, débordait largement des partis communistes et socialistes et grignotait l’opinion chrétienne. Il y avait un mouvement chez les catholiques de gauche qui allait donner naissance à la théorie de la libération en Amérique du Sud. Le texte que vous citez voulait faire le point sur cette question. Marx était un homme pas mal, un peu prétentieux dans sa conception de sa science de la société, qui a dit des choses intéressantes. Dans ses intentions fondamentales, Marx est un homme que je recommanderais volontiers, d’autant que n’est pas lui qui a mis en place le marxisme en Union Soviétique, mais un certain Lénine. Je ne dirais pas que le marxisme aura été une grande menace pour la foi chrétienne, mais il a été une bonne épreuve qui a fait réfléchir les chrétiens de manière plus naturelle.

C’est-à-dire ?

En Occident, l’église a imposé à l’Europe sa vision par des lois surnaturelles. Marx nous ramène, évidemment, à voir en deçà de cette surnature le naturel, l’infrastructure. Marx est quelqu’un qui nous oblige a plus de vérité que nous référer immédiatement à un ordre surnaturel. Je dirais que quelque part Marx a rendu service aux chrétiens.

Un jésuite admiratif de certaines parties de la pensée marxiste, c’est quand même pas commun…

Vous trouvez ?

N’auriez-vous pas été plus à l’aise dans la rédaction des textes de réflexion en France que dans la mise en place d’institutions universitaires en Afrique ?

Il y a une parfaite continuité dans ce j’avais commencé après mes études universitaires. Seulement, je continue par d’autres voies que celles que je prévoyais au début. Ce qui m’intéresse c’est de réfléchir sur ce qu’est vivre en société. Est-ce seulement produire de l’agriculture, des machines industrielles — le fameux développement économique et social — ou est-ce que le grand problème c’est d’arriver à vivre ensemble, entre nous ? Parce que, finalement, depuis que nous sommes enfants, nous cherchons à faire notre place par rapport à ceux qui sont plus forts que nous. Nous cherchons à avoir la première place et nous sommes, comme tous les hommes, jaloux les uns des autres, sommes affreusement menteurs — c’est-à-dire qu’on se montre sous un certain jour en cachant les autres — et finalement nous sommes homicides les uns des autres.

Le titre de la conférence que vous avez donnée à Maurice était : Le vivre ensemble malgré tout. C’est aussi difficile que ça le vivre ensemble ?

Je crois que c’est beaucoup plus difficile qu’on l’imagine. Caïn a bien tué Abel, et cela se perpétue sous d’autres formes. L’homme est le même…

Malgré la civilisation, l’évolution, les avancées de la technologie ?

Malgré tout ça, il a en lui cette brutalité des premiers jours et, en même temps, beaucoup de culture. Nous sommes des animaux mis au monde par le créateur, le maître du monde, appelez-le comme vous voulez…

Ou par l’évolution de la matière…

Je ne sais pas si c’est l’évolution, mais il y a certainement un évoluteur quelque part. En tout cas, l’homme est le dernier produit de cette création incroyable. Nous avons appris à nous tenir debout pour permettre à notre cerveau de fonctionner de mieux en mieux, et tout ça a pris beaucoup de temps. Nous sommes des créatures vivantes en constante évolution et personne d’entre nous n’est capable de comprendre où nous en sommes dans cette évolution.

En dépit de l’évolution, nous aurions les mêmes instincts, un peu mieux réprimés, que les premiers hommes ?

Au niveau de la jalousie, du mensonge et de l’homicide, oui, je le pense. Peut-être que les sciences aboutiront à des technologies de l’humain, déboucheront sur la découverte de gênes qui feront disparaître les sentiments de mensonge, de jalousie et d’homicide. Ce serait sans doute formidable puisque nous deviendrions plus humains. Mais, comme le disait Saint Simon autrefois, « il est temps d’abandonner le gouvernement des hommes et se consacrer à l’administration des choses. » Cette perspective ne me rend pas joyeux, je n’ai pas envie de devenir une chose qu’on administre…

Est-ce que, par rapport à l’évolution et à la mondialisation, nous ne sommes pas déjà devenus des choses ?

Hélas oui.

Quelle est votre définition actuelle de la politique ?

C’est la guerre civile prolongée mais mis en ordre, le moins mal possible. La politique c’est ce que j’ai dit à tous mes élèves, de toutes les races qui ont assisté à mes cours : c’est vivre ensemble malgré tout. Ce n’est pas très glorieux, je ne pense pas qu’on doive concevoir la politique comme un ensemble de grands projets de développement économique et social. C’est pour cette raison que j’ai remplacé le nom de l’institution d’Abidjan, dont je vous ai parlé, par celui de Centre de Recherche et d’Action pour la Paix.

Cette politique est-elle un mal nécessaire ?

Si nous voulons éviter de nous entre-tuer, il faut essayer de vivre ensemble, y compris avec nos adversaires. Il s’agit de vivre avec l’autre, qui est différent de soi, et ce n’est pas facile de vivre avec cet être différent, que ce soit dans un mariage, des relations familiales, une amitié, des relations d’affaires.

Le vivre ensemble obligatoire est plus difficile aujourd’hui ?

Cela dépend du comportement de chacun de nous. Nous sommes en constante altercation avec l’autre. Nous sommes tous des êtres violents et notre vie est faite d’altercations, la société est conflictuelle de A à Z. Il y a conflit entre le vendeur et l’acheteur, le banquier et son client, l’importateur et le producteur, entre l’enseignant et son élève. Tout le monde se bat pour avoir le meilleur avantage dans ce marché, dans ce commerce qu’est le monde. Alors, on arrive heureusement à vivre, à trouver le juste prix, la juste note, le juste taux d’intérêt, mais tout ça suppose un ensemble de négociations continuelles. C’est ça la politique, la négociation perpétuelle pour le vivre ensemble et trouver des solutions à tous les conflits.

La montée des religions affecte-t-elle ce vivre ensemble ?

C’est un problème énorme. Ce qui croît c’est l’incertitude dans laquelle nous sommes les uns et les autres et, par conséquent, l’angoisse. Les hommes d’aujourd’hui sont très angoissés, on ne sait pas très bien ou on va et l’atmosphère conflictuelle dans laquelle nous sommes, les uns et les autres — guerres civiles au sein des nations, guerre internationales, remises en causes, clashes des civilisations, la mise en cause maintenant de l’Occident par des gens qui en ont marre de sa manière d’agir partout dans le monde. Ces remises en cause sont considérables et provoquent, selon moi, un regain de religiosité, chacun cherchant un peu où pourrait être la vérité et au-delà de dieu, du ciel, du grand architecte de l’univers, appelez-le comme vous voudrez. Il y a donc, effectivement, une concurrence religieuse, des gourous se présentent pour annoncer leur vérité qu’ils présentent comme étant LA vérité.

Faut-il vous ranger dans cette catégorie ?

Pas du tout. Je suis agnostique et, à mon avis, c’est la bonne voie. Ce qui me plaît c’est que je ne suis pas seul dans ce cas.

Il y aurait beaucoup d’agnostiques, c’est-à-dire des personnes qui pensent « qu’une vérité ne peut être ni affirmée ni infirmée si la raison et l’expérience ne peuvent la vérifier », au sein de l’église catholique ?

C’est le cas. J’aime beaucoup le dernier pape Benoît VI qui a démissionné, parce que sans doute il en avait assez de sa charge. Un an auparavant, il a fait un voyage en Allemagne et a surpris en déclarant qu’il pensait que les agnostiques étaient plus près de la vérité que tous les croyants, quels qu’ils soient. Cela n’a pas fait plaisir au sein de l’église. Des gens se sont demandé si le pape a perdu la foi. Le pape a remis ça un mois plus tard dans une allocution présentée devant des personnes de différentes religions du monde. Dans son discours, le pape dit qu’il existe trois groupes d’hommes : les croyants, les athées et les agnostiques, qui sont en constante expansion. Le pape a dit : « C’est pour cette raison que j’ai invité les agnostiques car je crois que ceux qui cherchent la vérité sont beaucoup plus près de dieu que tous les autres. » Il en conclut que tous les croyants doivent réviser un peu leurs croyances et fait l’éloge de l’agnostique simple et modeste qui refuse de croire dans des certitudes et s’en remet à la recherche. Cette prise de position m’a beaucoup plu, cela fait cinquante ans que je suis agnostique. Je ne crois pas que les religions comme ensemble constitués soient promises à un grand avenir. Ce qui me paraît l’avenir c’est l’agnosticisme, c’est-à-dire le doute prévalant sur la certitude, contrairement à une foi liée à des croyances qui pousse à croire en ne sachant pas.
Ce genre de propos doit faire un peu désordre au sein de l’église…

Je ne suis pas très sûr d’être bien compris et accepté dans l’église, y compris dans ma compagnie. Tous mes frères n’ont pas les mêmes idées et les mêmes pensées que moi.

Il est manifeste que vous avez une admiration particulière pour Benoît XVI, le précédent pape. Que pensez-vous de l’actuel ?

J’attendais cette question. Je suis étonné que le cardinal Bergoglio soit pape parce que notre vocation de religieux, particulièrement de religieux jésuite, n’est pas d’exercer une autorité quelconque dans la machinerie institutionnelle de l’église. Nous faisons même le vœu de ne pas être évêque, etc. Il est vrai que dans certains cas, dans le passé, on a souvent demandé aux religieux qui étaient sur le terrain, alors qu’il n’y avait pas de clergé local, de prendre des responsabilités. Je connais des jésuites qui ont refusé d’être évêques en disant que ce n’était pas leur vocation. Bergoglio a accepté d’être évêque en Argentine, il est monté dans la hiérarchie, est devenu cardinal, c’est son problème. Moi, je ne sais pas pourquoi il est au Vatican.

Vous êtes déroutant. Vous ne savez pas pourquoi le cardinal Bergolio a été élu pape François ?

Le sens des choses n’apparaît souvent que beaucoup plus tard. Peut-être que dans dix, quinze ans on verra qu’il y avait la volonté de dieu — s’il y en eut une en la circonstance — dans cette élection. Mais aujourd’hui, je ne sais quoi vous dire de Bergoglio. Quand on m’a posé la question au moment de son élection, j’ai répondu que je ne savais pas et que je prenais volontiers ce qui était dit dans l’évangile à propos de Jésus de Nazareth. Qu’est-ce qui peut en sortir de bon ? On se pose la question mais on se garde d’y répondre. Mais François est populaire, charismatique, communique bien, prend des positions…

Je ne sais pas. Je suis très prudent. Je ne suis pas sûr qu’il prenne les bonnes positions. Exemple : je ne sais pas si c’était vraiment le rôle du pape d’envoyer un message à monsieur Poutine lorsque ce dernier préside un sommet du G 20 pour lui dire de ne pas intervenir en Syrie. Est-ce que la mission du pape est d’aller à Lampedusa pour jeter une couronne de fleurs là où les réfugiés d’Afrique essayent d’entrer en Europe par tous les moyens ? Je n’en suis pas sûr.

Seriez-vous en conflit avec le pape François sur certaines questions ?

Mais évidemment, dans la mesure où la société ecclésiale est une société politique comme une autre. Et le pape François a évidemment beaucoup d’ennemis au sein du St-Siège. Les administrateurs qui travaillent selon l’ancien modèle ne doivent se retrouver à l’aise face au nouveau pape. Le conflit est partout.

Même parmi les hauts dignitaires de l’église qui sont censés avoir un degré d’éducation et de compréhension des choses et des êtres supérieur à celui du commun des mortels ? Il nous semblait qu’à ce niveau de responsabilité ils avaient su se débarrasser de la violence…

Même Jésus n’était pas à l’aise avec ses propres disciples. Il y a une belle phrase dans la déclaration universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen qui date de 1948. Ce qui clôt la déclaration c’est le fait qu’elle est l’idéal à atteindre. C’est-à-dire que ce n’est jamais atteint et qu’il faut toujours travailler dans cette direction. Mais il ne faut pas considérer que ce soit déjà acquis, comme un fait originel.

Et vous appliquez ce raisonnement à l’Église ?

Mais bien sûr. Faut-il vous rappeler que comme toutes les institutions l’Église est faite d’hommes. ?

C’est une vision pessimiste…

Je ne suis pas pessimiste mais affreusement réaliste. Un affreux réaliste qui a besoin d’humour.

D’humour ?

Quand j’ai fait mon noviciat j’ai demandé une grâce : l’humour. Au psaume 2 de la Bible, il est dit : « Celui qui habite en haut des cieux regarde ce qui se passe en bas et il s’en amuse. » Il y a de l’humour chez dieu et il faut beaucoup d’humour dans la vie.

Pour la supporter ?

Le monde est tragique et la question est de savoir comme le vivre. Comment vivre le drame humain avec ses incertitudes, les conflits, les altercations, la guerre entre nous.

La foi vous a-t-elle aidé à avancer ?

La foi est mon seul pilote.

Elle est inébranlable ?

Jusqu’à maintenant elle a été bien fondée, sur le roc, comme on dit. J’ai traversé des moments très difficiles certainement. On a des épreuves, la vie est une suite d’épreuves, mais ce qui est plus important c’est la grâce qui vous porte et un peu d’humour, c’est ça qui me fait survivre en souriant, sereinement.

Avez-vous le sentiment d’avoir réussi votre vie ?

Tout d’abord elle n’est pas encore finie, ma vie. Donc, d’autres choses peuvent encore arriver. Mais par ailleurs, je suis content de ce que j’ai pu faire.

Finalement, malgré les conflits et tout le reste, allons-nous vers un monde amélioré ?

C’est quoi un monde amélioré ? Davantage d’équipements électroménagers ? Le meilleur serait d’avoir une conscience de ce que nous sommes et une capacité de nous piloter dans ce monde qui est un océan de tempêtes, de cyclones, de tsunamis, de vents et de courants contraire. C’est ça la vocation de l’homme qui doit lui-même chercher son salut. Je ne peux pas trouver le salut des autres. Je peux dire comment j’apprends à piloter ma propre vie au milieu des fracas et des tremblements de terre, pas uniquement géologiques, mais aussi sociopolitiques.

 

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1 Comment

  1. Irvin Bartenfield26 mai 2020

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